Ce lien social au travail qui nous libère et nous unit
17 novembre 2020 – 4 minutes to read
Janvier 2023. Le monde déconfine pour la 18ème fois. A priori la dernière car enfin le vaccin qui immunise totalement est accessible à tous. L’économie, exsangue, est elle aussi en réanimation, perfusée au chômage partiel et au télétravail. Partout les hommes et les femmes s’apprêtent à sortir de chez eux pour retourner travailler. Car le monde doit maintenant guérir d’un autre mal terriblement contagieux : la disparition du lien social.
Les premiers symptômes sont apparus en 2020 avec la Covid : perte progressive de vision de l’autre, dégoût pour les réunions, sentiment de ne plus pouvoir se sentir. Les entreprises pensaient tenir la formule miracle : le TELETRAVAIL ! Il allait régler les problèmes et relier les salariés, désormais disséminés sur tout le territoire français.
Credits : Perkins+Will / Robin Hill
Le diagnostic était bien posé : le lien social crée un sentiment d’appartenance qui est la clé de voute de l’entreprise citoyenne et de collaborateurs épanouis. Pour défendre ce lien, nous sommes devenus des sortes de robots, des travailleurs 3.0 suréquipés : ordinateur ultra-puissant, connexion VPN sécurisée, large choix de logiciels de vidéo conférence, communication millimétrée entre managers et simples soldats. Mais rien ne se passa comme prévu : les salariés se sentirent vite isolés, avec le sentiment de ne pas être intégrés aux décisions concernant l’entreprise. La multiplication des moyens de communication transmettait surtout solitude et isolement.
Dès lors, la gangrène de l’individualisme gagna les salariés qui se refermèrent sur eux-mêmes. Les entreprises, dont les forces déclinaient, coupèrent dans le vif et licencièrent à tour de bras. Les salariés qui avaient conservé un travail perdirent les relations humaines. Pour être heureux dans la cité, les hommes et les femmes doivent aussi s’épanouir au travail. Abonnés au télétravail, ils ne trouvent pas le bonheur.
Heureusement, ce temps est révolu, le retour au travail s’accompagne d’un mode opératoire que chacun est tenu de respecter – sous peine d’une amende de 135 € – afin de réanimer les travailleurs. En voici quelques extraits.
Obligation des gestes-ouvertures en arrivant le matin : serrer les mains et demander des nouvelles des enfants (ou à défaut des animaux domestiques). Puis séance collective de yoga (ou de relaxation Bio-dynamique). Déjeuner en groupe (de même que les goûters), en respectant une contiguà¯té de moins d’un mètre. Après le travail (donc facultatif mais vivement conseillé), sport ou apéritif, forcément collectifs.
Tout est bon pour recréer un lien social concret. On avait même envisagé d’attacher les collaborateurs deux par deux, mais la mesure fut vite abandonnée car trop de liens tue le lien. La pause-café est obligatoire, quatre fois par jour. Les couloirs vont être élargis pour favoriser les discussions, dont l’usage récréatif est encouragé.
Chacun va pouvoir quitter ses écrans et réinvestir sa vie car on existe que dans sa relation avec les autres. Les entreprises sont avant tout le résultat de la coopération entre leurs collaborateurs avec qui elles partagent leur culture, leurs valeurs. Le travail contribue à construire le travailleur, comme il forge une communauté. Le bureau n’est pas près de disparaître …
Credit photo : Ellivo Architects / Mindi Cooke